Bonjour M. Wilson,
Pouvez-vous vous presenter s’il vous plait ?
Bonjour à tous ! Je suis Sean Lilly Wilson, fondateur et Directeur Général Optimiste de la brasserie Fullsteam à Durham, en Caroline du Nord. Durham se trouve à 30 minutes de route de Raleigh, la capitale de l’État. J’ai lancé Fullsteam il y a un peu plus de dix ans. J’ai une femme formidable (Carolyn) et deux enfants qui sont grands maintenant (Echo et Sophie).
Vous êtes le fondateur et CEO de Fullsteam Brewery. Quels étaient vos objectifs lorsque vous avez lancé votre propre brasserie ?
Dès la première production – une bière de ferme « farmhouse » que nous avons appelée Summer Basil (aujourd’hui appelée « Southern Basil ») – nous avons voulu explorer ce que signifiait être une brasserie du Sud des Etats-Unis. A l’époque, les diverses régions des États-Unis avaient leurs propres styles de bière, mais l’identité brassicole du Sud commençait tout juste à émerger.
Nous voulions (et voulons toujours) explorer comment les ingrédients locaux peuvent exprimer le goût de la région avec la bière, et créer un impact économique positif pour les agriculteurs, les malteries, et même les butineurs à travers ce que nous appelons : la « Southern Beer Economy », c’est-à-dire l’économie de la bière dans le Sud.
Quels ont été vos premiers succès ?
Notre premier succès a été la « notoriété de l’idée ». Elle a touché une corde sensible chez les gens… pas toujours positive. Certains m’ont même écrit pour me dire que c’était une mauvaise idée. J’ai pensé que cela signifiait que nous étions sur la bonne voie… que l’idée était si intéressante et inhabituelle que les gens prenaient le temps de chercher mon adresse email et de m’envoyer un message désagréable. Un bon signe pour l’optimiste que je suis, ha ha!
Plus important que ce buzz des débuts, ce fut le succès de notre taverne qui suivit. En 2010, la ville de Durham avait envie de proposer de nouvelles choses à faire. C’est bien différent maintenant, dix ans plus tard. À l’époque, nous étions un nouveau concept : un food truck et une brasserie adaptés aux familles, et aussi aux chiens, c’était tellement inhabituel. Aujourd’hui, c’est assez commun. Et nous avons beaucoup évolué au fil des ans pour tenter de rester au top de la tendance.
Enfin, je suis fier de nos bières et de notre vision, et du pourquoi nous faisons ce que nous faisons. C’est un jeu de longue haleine. C’est ma carrière, vous savez ! Il aurait été beaucoup plus facile de se contenter de reproduire les tendances d’autres régions, comme celles de la Californie. Bien que nous ayons beaucoup évolué, j’aime à penser que l’un des premiers succès a été d’identifier une vision et une mission et de s’y tenir.
A quels obstacles avez-vous dû faire face ?
Nous avons eu une période d’apprentissage, c’est certain, surtout en travaillant avec des ingrédients de base inhabituels comme les patates douces, les céréales fumées et les fruits locaux. L’industrie a collectivement beaucoup appris au cours de la dernière décennie sur le travail de brassage avec des adjuvants comme ceux cités. L’équipe de notre brasserie a dû travailler très dur pour trouver le moyen de transformer ma vision en une bière savoureuse et constante. Ils méritent beaucoup de crédit pour cela.
Votre société met en exergue les spécialités locales agricoles et culinaires, supportant les sociétés et produits locaux. Comment collaborez-vous avec les chefs des restaurants et autres artisans de bouche ?
Au fil des ans, nous avons collaboré avec des restaurants et des chefs comme Ashley Christensen, le Fearrington Inn et l’Unscripted Hotel pour leur fabriquer des bières personnalisées. Bien sûr, nous avons organisé d’innombrables dîners à la bière et partagé un stand dans un certain nombre de festivals gastronomiques – notamment le Charleston Wine & Food Festival et un grand événement appelé Lambstock, dirigé par un berger/éleveur d’agneaux qui s’appelle Craig Rogers (Border Springs Farm, en Virginie).
Notre tout premier travail en dehors de la Caroline du Nord nous a été confié par José Andrés (un chef connu et étoilé) dans un restaurant pop-up qu’il a ouvert à Washington, D.C. L’un des moments forts de ma carrière a été de lui remettre un baril frais d’une bière « paw paw » que nous avions brassée. Je souris encore en pensant à ce jour.
Qu’est-ce qui distingue les brasseries artisanales de Caroline du Nord de celles des autres Etats ?
J’aime à penser que c’est notre nature collaborative ! Les brasseries s’entraident souvent en cas de besoin, qu’il s’agisse de prêter du matériel ou de donner des conseils. Même s’il s’agit d’un secteur concurrentiel, nous travaillons souvent ensemble pour contribuer à construire l’industrie. Ce n’est peut-être pas propre à la Caroline du Nord, mais je tenais à le souligner.
En ce qui concerne notre bière, je pense que l’État a adopté une qualité plus mesurée, plus tempérée dans ses offres. Bien sûr, il y a des exceptions. Mais dans l’ensemble, nous sommes moins excentriques et moins effrontés. Certains pourraient penser que c’est moins dynamique et moins tendance, mais j’aime à penser que c’est représentatif de notre maturité en tant qu’industrie.
Comme la bière artisanat s’inscrit dans le paysage culinaire de la Caroline du Nord ?
La bière artisanale est de plus en plus sur un pied d’égalité avec le vin, ici en Caroline du Nord. Des hôtels et des restaurants raffinés, autrefois réfractaires à la bière artisanale, la proposent désormais à la pression et en canettes, et organisent des dîners sur le thème de la bière. Je crains que la tendance à l’artifice dans l’industrie de la bière artisanale n’entrave ces progrès. Cela dit, j’ai bon espoir que la nouveauté et la noblesse puissent coexister.
Quels sont les ingrédients les plus inhabituels utilisés par les brasseurs de Caroline du Nord ?
Le fruit pawpaw similaire à la papaye (Asimina Triloba) vient à l’esprit – le plus grand fruit indigène d’Amérique du Nord et le seul fruit subtropical qui pousse aux États-Unis. Nous avons fabriqué un certain nombre de bières à partir de ce fruit, dont certaines ont été récompensées. Beaucoup d’autres l’ont fait aussi, alors peut-être que ce n’est plus si unique !
Nous sommes encore à l’époque des bières « extrêmes », et certains brasseurs brassent des bières avec des ingrédients transformés comme des beignets et des tartes. Nous évitons cela et nous nous concentrons sur les ingrédients cultivés ou fourragés.
Parmi les autres ingrédients habituels avec lesquels nous avons travaillé, citons la courge candy roaster, l’ortie, le spicebush, l’orange hardy (une orange sauvage envahissante)… La liste est longue.
Quel style de bière est le plus prisé en Caroline du Nord ?
La bière de style India Pale Ale, comme partout ailleurs en Amérique ! Même à Fullsteam, notre meilleure vente est une India Pale Ale. C’est omniprésent.
Quelles bières seraient les plus appréciées par les voyageurs français découvrant votre brasserie et vos produits ?
Nos bières changent constamment, c’est pourquoi mes recommandations varient selon les saisons. En ce moment, je pense que notre Delicata Farmhouse Lager – brassée avec de la levure de saison et des céréales locales, puis fermentée – a un merveilleux goût de terroir qui reste accessible et agréable, en particulier pour accompagner les plats. Pour une bière plus audacieuse tout en restant dans un style familier, notre Pierre Delecto Winter Saison est un peu herbacée (orange bergamote, graines de fenouil, cardamome) et noisetée (céréales locales grillées).
En automne/hiver, notre bière First Frost, fabriquée avec des kakis sauvages cueillis, est un excellent choix. Levure d’abbaye belge, kakis indigènes (acidulés, savoureux, complexes)… Ce n’est pas pour rien qu’elle a remporté le prix Good Food.
Si vous souhaitez opter pour une bière de style américain (tout en gardant l’esprit du Sud), notre American Promise paw paw IPA est une excellente option.
Et quelles bières d’autres brasseries pourriez-vous leur recommender ?
Pour les personnes qui explorent la région Sud des Etats-Unis, je recommande Fonta Flora (Morganton), Haw River Farmhouse Ales (Saxapahaw) et Free Range (Charlotte). J’ai été impressionné par les styles classiques brassés par la brasserie Zebulon Artisan Ales à Weaverville.
Dernière question : Que recommenderiez-vous aux français souhaitant découvrir la Caroline du Nord ?
La Caroline du Nord est géographiquement diversifiée avec des montagnes mais aussi la plage. C’est un État tout en longueur et en largeur, et il faut du temps pour se rendre à certains endroits. Nous nous situons au milieu de l’État, donc les touristes peuvent rejoindre la plage en 2 heures de route vers l’est et les montagnes en 2 heures de route vers l’ouest.
La ville d’Asheville est en pleine expansion, mais elle conserve un peu de cet esprit européen car on s’y déplace facilement à pied et les commerces sont très « locaux ». Découvrez les petites villes industrielles converties en destinations artistiques, gastronomiques et de boissons comme Saxapahaw à l’ouest de la capitale Raleigh ! Et Durham ! 😊
Merci M. Wilson !
Merci beaucoup ! C’était un honneur et un plaisir.